4 décembre 2024, 10 ans après toujours le même ressentiment. Tfou
En fait, ça fait un moment que je me dis que j’ai « l’Angoisse de la Page Blanche ». Cette angoisse, elle a toujours permis d’excuser ceux qui n’écrivaient plus, faute de ne plus le vouloir ou pire de ne plus le pouvoir. Trust it.
Mais là, si j’ai repris la plume de mon clavier, c’est que mon angoisse n’est plus que blanche : elle est verte , rouge et noire aussi. Mon angoisse est palestinienne. Et mon angoisse, ce n’est pas une simple humeur, rien à voir avec la pseudo « humeur Palestinienne » décrite par l’ « ex-idole des jeunes » jusqu’alors : un rappeur francophone, plus connu sous le nom de « Booba ». Non, mon angoisse est Palestinienne et mon humeur Mossad. Mossad, car j’ai envie de tout exploser, j’ai moi-même envie d’exploser. Trop de rage, trop de peine, trop de désespoir, trop de tristesse, trop de larmes pour rien. J’avoue, car je suis sure de en pas être la seule dont les yeux pleurent, débordent à la vue de ces images inhumaines. INHUMAINES. Une des dernières images qui rien qu’en y resongeant peut me faire avoir « l’alarme à l’œil » , c’est lors de ce reportage de la TV France 2, qui montrait les urgences d’un hôpital dont les alentours venaient d’être bombardés.
Dans la panique des couloirs blindés de victimes, cette petite fille, au milieu de deux autres enfants à terre. Les deux autres semblent épuisés, désillusionés, et quelque chose d’ineffable aussi. Un regard livide, ils ne sont pas morts, mais leur innocence vient d’être violée. Ils ne seront plus jamais des enfants, ils sont déjà des jeunes vieux. Au milieu de cela, une petite fille dans les 5 à 7 ans peut être. Au sein du chaos de l’hôpital mais au milieu des deux autres enfants aphones, elle pleure, elle crie, elle hurle. Seule. Personne ne l’entend, ne l’approche, ne se soucie d’elle, pour écouter sa détresse : « Baba met, Baba met » , les mots déchirants qui sortent de toutes ses forces de sa bouche … (mon père est mort en arabe)
Là, je pleure toute seule devant les infos, je me dis que ce n’est pas juste, que c’est inhumain, et je me sens coupable aussi de ne rien pouvoir faire derrière mon écran. J’ai envie de la rassurer, de la prendre dans mes bras, de l’aider, de la consoler. Mais « consoler » est ce assez comme terme pour parler d’echanger avec une enfant qui, au petit matin, se réveillait, tout en ne sachant plus que sa vie ne serait plus jamais la même. Tfou. On vit dans un monde de Tfou. (pour ceux qui ne comprennent pas ce « tfou » … demander à un arabophone voire même berbérophone ou darijaphone)
Si un jour, je vais à Gaza, si Dieu le veut, je voudrais la rencontrer cette petite et lui demander d’être forte, pour ce qui lui reste éventuellement de famille, mais aussi pour nous, pour la Palestine libre et décolonisée, pour le monde et pour un vrai « plus jamais ca ». Pour qu’elle nous fasse encore croire à une justice : celle du droit à l’autodétermination des peuples. Pour qu’elle témoigne de la fatalité de ce droit, pour qu’elle témoigne pour un « plus jamais ça ». Un vrai « plus jamais ca ».
Je pense souvent à cette petite. Cette pauvre gosse, dans son atroce malheur, c’est peut-être la plus chanceuse au milieu des deux autres, trop choqués pour une abréaction d’affects… peut être plus tard dans leur vingtaine une bouffée délirante dans le meilleur des cas, un suicide ou un laisser-aller mortel au pire des cas.
Enfin, voilà, je vais en terminer là, car écrire en larmes, ce n’est pas très pratique après tout.