Le „Beschass“

Pr. Dr. Alexandre Marius Baron  Dées De Sterio

  1. Définition sémantique

Cette notion si typiquement luxembourgeoise définit à la fois une des occupations préférées du Luxembourgeois et son humour, peut-être un peu lourd pour l’ouïe fine latine. Si l’humour véritable consiste à pouvoir ironiser sur soi-même – la célèbre « self-irony » anglo-saxonne –, il n’exclut nullement au Luxembourg la saveur et la paillardise parfois scabreuse d’expressions populaires qui ne dissimulent point l’origine paysanne et prolétarienne de la quasi-totalité de la population du Luxembourg. En effet le verbe « beschaïssen » pourrait se traduire en français littéralement par « fienter sur quelqu’un, chier sur quelqu’un ». Le résultat de cette action est le « Beschass », ce substantif dont on s’imagine sans peine la traduction littérale.

Il est difficile de circonscrire le terme de « Beschass » en langue française. Les mots qui viennent immédiatement à l’esprit sont : potins, ragots, cancans, commérages. Le « Beschass » participe de toutes ces nuances, mais il n’en embrasse aucune totalement.

Le cancan consiste en des bavardages médisants : le « Beschass » peut être médisant, mail il ne l’est pas nécessairement de prime abord ; ce n’est certainement pas du simple bavardage, car il faut souvent beaucoup de persévérance pour accéder aux informations qu’il contient. Je pense que les auteurs du « Dictionnaire luxembourgeois » se sont trompés en le définissant comme « Verleumdung » ou « üble Nachrede ».

Le terme de commérage est insuffisant : ce sont des propos de commères qui n’ont que peu ou pas d’impact politique et social. Je ne traiterai pas dans cette courte étude de ce « Beschass »-là, bien qu’évidemment il existe. Quelques exemples-types : L’état de santé de la voisine, les études des enfants, la vie sexuelle d’une tierce personne, le mauvais ménage d’un tel, l’héritage de tel autre, et j’en passe. Les hauts-lieux de ce « Beschass »-commérage sont certains pâtisseries, certains bistrots, le trottoir, l’épicerie, le boulanger, le boucher du coin, le téléphone et le « Kaffiskränzchen »-goûter avec pâtisseries entre dames.

Les termes de potin, petits commérages de peu de valeur d’information, et de ragot qui n’est qu’un commérage malveillant, sont eux aussi à proscrire, car impropres à la définition luxembourgeoise que j’essaie d’élaborer par le présent essai. Il importe aussi de séparer le « Beschass » de la rumeur : le « Beschass », s’il sort d’un cercle restreint pour atteindre le grand public, n’est plus du vrai « Beschass », mais une rumeur invérifiable. Le « Beschass » a toujours une base, un fondement en soi vérifiable. Vérifiable ne signifie pas pour autant qu’il soit vérifié et par les colporteurs et par les destinataires.

Quelques exemples luxembourgeois de rumeurs récentes :

  1. Lors d’une série de cambriolages se posait la question : qui est M. Julien ? Est-ce un fils de ministre, protégé de ce fait des foudres de la justice ?
  2. Lors d’une série d’attentats à l’explosif, la question se posait sur l’identité de ce poseur de bombes visiblement bien informé des points stratégiques de la Ville de Luxembourg. Est-ce un haut fonctionnaire de la police, protégé par le parti libéral ?
  3. Lors d’un récent scandale politico-policier, la rumeur « savait » que l’ancien Commissaire de police « partouzait » avec de hauts dignitaires du parti libéral afin de les mouiller dans des affaires de vente d’armes et de proxénétisme.

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