Magritte – Préambule – Paul Giroud

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Préambule : M’est-il incompréhensible ?

En tout cas, il n’est  ni le faiseur de devinettes, ni l’humoriste, ni le peintre de nos rêves qu’on nous présente le plus souvent. Il a d’ailleurs toujours rejeté explicitement et fortement ces travestissements de son art… qui persistent néanmoins. Pour des raisons commerciales : il est plus facile de vendre un peintre amusant ou proposant une évasion. 

Que voulait Magritte avec sa peinture étrange ? 

Je vais essayer de suivre son propre chemin, qui est initiatique. N’écrit-il pas : 

« Je peins l’au-delà, mort ou vivant. L’au-delà de mes idées, par des images… Je ne peins pas : j’utilise des objets qui ont l’apparence de tableaux.. »

Un tableau me semble valable s’il n’est pas absurde ni incohérent et s’il a la logique du mystère, ainsi que le monde …

Ce qui est en question dans ma peinture n’a rien d’imaginaire. Il s’agit du monde, uniquement du monde, et on ne peut parler d’imaginaire que si une certaine fantaisie intervient pour interpréter le monde …

Tout dans mes œuvres est issu du sentiment de certitude que nous appartenons, en fait, à un univers énigmatique. La certitude de cette appartenance est d’un ordre mystique, moral…

La Vie, l’Univers, le Néant n’ont aucune valeur pour la pensée dans la plénitude de sa liberté. Pour elle, la seule valeur est  le Sens, c’est à dire la pensée morale de l’Impossible… ».

Le tableau fétiche de Magritte

En 1929,  Magritte peint un tableau représentant seulement une pipe, tout en inscrivant sur ce tableau : ‘Ceci n’est pas une pipe’. 

Or en 1966, un an avant sa mort, Magritte présente deux tableaux qui montrent des pipes très différentes de celle qui n’en était pas une. 

D’abord dans ‘Les Deux mystères’, où l’on voit deux pipes. 

Quel est le premier  mystère ? Quel est le second mystère ? Quel est le chemin entre les deux ? 

Sachant que le tableau fétiche de 1929, reproduit ici sur le chevalet, appartenait à une série de tableaux, intitulée : ‘La Trahison des images’. On peut alors penser que l’autre pipe, suspendue, non rejetée, est la vraie Pipe est étrange, à demi irréelle : voilà le second mystère. Le premier mystère, déjà présenté en 1929, semble être qu’il faut douter que la pipe trop aisément reconnaissable par son image soit la vraie. 

L’autre tableau de 1966 a pour titre : ‘Les Ombres’. Il présente une pipe elle aussi à demi irréelle, située à l’horizon dans une lumière crépusculaire, à la fin d’un chemin marqué à la moitié du parcours par un arbre. 

Or, Magritte écrivit un beau texte sur l’arbre, énigmatique à souhait : 

« Véritable poussée de la terre vers le ciel, un arbre est une image et une expression de joie. Pour appréhender cette image, nous devons être immobiles, à l’égal de cet arbre. Lorsque nous bougeons, c’est l’arbre qui devient le spectateur. Dans les formes des chaises, d’une table ou d’une porte, l’arbre continue à regarder le spectacle de notre vie. Plus tard, quand l’arbre est devenu un cercueil, il disparaît de nouveau dans la terre et quand il se consume en flammes, il s’évanouit dans l’air »… comme la Pipe à l’horizon,qui est peut-être tirée de l’arbre sur le chemin (comme « les formes des chaises, d’une table ou d’une porte »). 

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Le premier mystère : l’image de pipe

Est-ce une pipe ou non ? C’est bien l’image d’une pipe ; ce n’est pas une pipe qu’on peut fumer. Mais l’image d’une pipe n’est pas une pipe. Que signifie ce rejet de la pipe visible, voyante même ? Le rejet de la pipe voyante fait éclater la bulle d’images dans laquelle nous vivons. Bulle d’images dont vit la publicité : la  pipe en image, celle que je vois avant d’acheter celle fabriquée en série, se montre et prétend surpasser la pipe, taillée à la main, qu’on gardait une vie

L’image d’une pipe est-elle une fausse pipe ? Non, c’est pire : l’image d’une pipe se fait prendre pour une vraie pipe. L’image d’une pipe n’est pas fausse, elle est trompeuse

Un tableau montre la bulle d’images : ‘Au seuil de la liberté’.

A propos : que disait Magritte de son tableau fétiche ? 

Il écrivit au philosophe Michel Foucault : « ‘Ceci n’est pas une pipe’  vaut ‘L’homme est un animal malade’ (phrase de Hegel, philosophe allemand) ». 

Pour Magritte, les images sont des mines antipersonnelles cachées dans ce que nous voyons

Même un coucher de soleil recèle un danger intrinsèque : ‘Le Soir qui tombe’.

2- Les Liaisons dangereuses’ de l’homme, animal malade, avec les images

Si le tableau fétiche est célèbre dans le monde entier, c’est que partout, et depuis toujours, les hommes se doutaient que les images les trompent. Et qu’ils sont reconnaissants à Magritte de les aider  à en prendre conscience.

Peut-on sortir de ce somnambulisme ? 

(repro de ‘Les Liaisons dangereuses’)

La femme séductrice montre une image désirable d’elle-même sur un miroir. D’où provient cette image, sinon de la projection notre image mentale désirante au dehors de nous ? Ce tableau met en scène une hallucination commune, comme dans

(repro de ‘Le Viol’)

Un autre tableau expose le somnambulisme où nous entraînent les images. 

‘La Condition humaine’ : 

Devant la fenêtre, un tableau sur un chevalet montre une partie du paysage du même point de vue, au point que le paysage-peint devant le paysage-dehors nous apparaît lui aussi dans le jardin ; à moins que le paysage-dehors ne  soit lui-même qu’un tableau situé dans notre tête. Où est le paysage, dans le jardin ou dans notre tête  ? Vivons-nous dans le monde ou dans notre tête ? 

Remarquons que le paysage-peint sur chevalet est comparable à la pipe peinte sur chevalet dans ‘Les Deux mystères’. Et il prétend se passer du paysage réel pour s’y substituer. Comme la pipe rejetée dans ‘Ceci n’est pas une pipe’ prétendait, par sa seule image, se passer d’une pipe réelle. ‘La Condition humaine’ est donc une autre façon d’exposer ‘La Trahison des images’. 

On doit alors se demander : 

Les tableaux de Magritte, ne sont-ils que des jeux d’esprit, construits à partir de nos illussions communes ? 

Que penser par exemple de ‘Le Faux miroir’ ?

Ce tableau joue-t-il à nous faire hésiter entre le tableau d’un oeil et le tableau du ciel ? Pourtant Magritte écrit : « Nous sommes, nous voyageons dans le ciel ». Et il le montre dans :

‘La Reconnaissance infinie’

Le ciel est encore présent dans : 

‘L’Avenir des statues’ 

et dans : ‘La Grande famille’. 

J’annonçais dans mon préambule que la peinture de Magritte est un chemin initiatique. Il est temps de nous rendre compte que nous avons commencé à suivre ce chemin. 

L’art de Magritte, un chemin initiatique

‘Le Viol’ montre une hallucination, un piège mental. Tandis que ‘Les Liaisons dangereuses’ montre une séduction, un piège social. Ces deux tableaux montrent les images comme des pièges, afin que l’on n’y tombe pas. Le début d’un chemin initiatique n’est-il pas de nous apprendre à éviter des pièges ? 

Les tableaux de Magritte sont un chemin initiatique qui va des pièges des images à leur démontage et à l’éveil qui révèle la vérité des images. En effet, un chemin initiatique doit être secret, donnant lieu à des méprises, et même à des contresens. Il faut passer dans le labyrinthe pour tuer le Minotaure des images et ressortir à la lumière.  Quel est alors le fil d’Ariane ?

Mais terminons-en d’abord avec le tableau fétiche.

D’abord, Magritte nous suggère que la peinture en décalcomanie ne fait que redoubler le monde apparent. A la façon de la surface brillante d’un lac ou d’un miroir. Avec des images reflets, nous ne sortons pas du monde ordinaire, dont les apparences sont trompeuses. 

Les commentateurs de Magritte ont conclu hâtivement de sa critique des images reflets qu’il invitait les artistes à faire une peinture bizarre, la seule capable de sortir de l’apparence. Une peinture bizarre comme celle de Bosch par exemple, qui peint un homme avec un nez fait comme une trompette, comme dans l’expression ‘il a le nez en trompette’. Or, Magritte dit de Bosch : « …Bosch… exprime des idées folkloriques … moi (je) m’applique à ne faire que des descriptions ‘sans idées’ ». Donc pour Magritte, le rejet des images décalques ne signifie pas l’appel aux images fantaisistes : « La description de la pensée, qui ressemble au monde non séparé de son mystère, ne tolère pas de fantaisie ni d’originalité ». 

Magritte ne veut faire ni une peinture publicitaire, celle qui montre des décalques de pipe afin de déclencher l’achat d’une pipe. Ni une peinture de propagande, politique ou religieuse. Magritte ne veut servir ni le commerce (comme Warhol) ; ni la politique, ni une Eglise. 

En fait, les commentateurs du tableau fétiche se trompent deux fois. 

Les deux sens du tableau fétiche

Car il y a un second sens au tableau célèbre, qui montre que les images nous trompent. Le premier sens consiste, nous l’avons vu, en la critique des images reflets. Mais ce n’est là qu’un stade préparatoire à un second sens, essentiel. 

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(page 3) De la pipe allumeuse à la Pipe rituelle 

Le second sens ne concerne pas la tromperie des images, mais leur ‘Trahison’. 

Lorsque Magritte écrit : « ‘Ceci n’est pas une pipe’  vaut ‘L’homme est un animal malade’ », il rappelle que ce ne sont pas les images qui sont malades, mais les hommes. 

Le cyanure n’est pas un poison : c’est moi qui le trahis si j’en prends trop. ‘Ceci n’est pas un poison’ ; c’est la dose de cyanure qui empoisonne. Comme je trahis l’image si je l’avale ; au lieu de voir à travers l’image le monde poétique qu’elle évoque. 

Un tableau peint la même année que le tableau fétiche fait le lien entre le premier sens, critique. Et le second sens, qui constitue le moment positivement initiatique. 

(repro de : ‘Je ne vois pas la (image de la femme, sans mot) cachée dans la forêt’). 

C’est en 1929 (la même année que ‘Ceci n’est pas une pipe’) que Magritte compose cette oeuvre, qui est la couverture de la ‘Revue surréaliste’. Et qui signifie : la Femme poétique, l’Eternel féminin en sa nudité pure (« dans la forêt’ ») est invisible dans l’image décalque d’une femme déshabillée, qui trahit l’Eternel féminin (Gauguin alla chercher cette même Femme éternelle à Tahiti, où il n’y a que des femmes .. non éternelles). La Femme ‘cachée dans la forêt’, invisible dans une image reflet de son corps seulement, peut-elle être devinée dans une image poétique ?

(repro de : ‘Le Bouquet tout fait’)

L’Eternel féminin, la Femme de la Forêt est présente dans l’homme qui contemple la Forêt (Magritte a choisi une reproduction de la figure centrale du tableau de Botticelli : ‘Le Printemps’). C’est un exemple du second moment, initiatique. 

Moment initiatique auquel Magritte fait allusion en écrivant : « Autre exemple de pensée inspirée, c’est la pensée qui se décrit par l’image d’une pipe réunie à l’inscription de ‘Ceci n’est pas une pipe’. Ce tableau représente l’image d’une pipe, mais n’en est pas une. Si l’on pense au mystère, on évoque le mystère. Cette image de la pipe fait donc penser à l’apparence, donc à ce qui n’a pas d’apparence, le mystère ». Voilà pourquoi nous disions que le tableau fétiche comportait deux sens. Qui renvoient aux ‘Deux mystères’. Où la pipe reflet s’oppose à la vraie Pipe, celle qui appartient au rite initiatique qu’est la peinture de Magritte.

Mais en fin de compte :

Qu’y a-t-il derrière la pipe trompeuse  ? 

(repro de : ‘L’Homme au chapeau melon’, une Colombe devant la bouche)

est le tableau répondant à ‘Ceci n’est pas une pipe’. Car la Colombe s’élève comme la fumée d’une Pipe rituelle.

Dans un autre tableau, la Colombe joint l’Abîme et le Zénith :

(repro de : ‘La Grande famille’) 

La peinture initiatique consiste donc en « la description de la pensée, qui ressemble au monde non séparé de son mystère ». 

Faisons le point sur notre parcours du chemin initiatique. 

De la Femme de la Forêt à la vraie Pipe, montant à l’horizon

On pourrait imaginer le quasi tableau de Magritte suivant :

‘Je ne vois pas la (repro de la pipe, sans mot) montant à l’horizon’qui tiendrait compte des deux tableaux, ‘Les Deux mystères’ et ‘Les Ombres’, où la vraie Pipe est suspendue… comme les personnages lévitant de ‘Golconde’, ou le rocher du ‘Château des Pyrénées’ (repros). Ou encore la pomme cachant le visage du ‘Fils de l’homme’ (repro). 

Les deux tableaux où apparaît l’Ombre de la Pipe rituelle montrent-ils la vraie Pipe, comme ‘Le Bouquet tout fait’ montre l’apothéose de la Femme de la Forêt, la révélation de l’Eternel féminin ? Il n’existe pas un tel tableau : les Pipes suspendues sont seulement des ‘Ombres’. Pourquoi ? La Pipe n’est pas un de ces Etres qui composent la cosmologie de Magritte, comme la Mer, le Ciel, la Forêt, la Femme, la  Maison, etc. La vraie Pipe représente l’aspiration à la vérité des images. Et les jeux critiques sur ‘La Trahison des images’ ne sont que des préparations à la révélation de la vérité des images. 

Or, il existe un genre de peinture, le Pop Art, qui veut jouer avec les images, sans même passer par leur critique. Tout en se référant à Magritte. N’y a-t-il pas malentendu ?

Magritte et le Pop Art

C’est aux USA, pays où s’est développé le Pop Art (inventé en Grande-Bretagne) que Magritte commença à connaître une certaine notoriété. Or, 

Magritte parle ainsi du Pop Art : « L’humour du Pop–Art est plutôt bien-pensant. Il est à la portée de n’importe quel décorateur-étalagiste venu : peindre de grands drapeaux américains avec une étoile de plus ou de moins n’exige guère de liberté d’esprit…Dada avait tout de même en son temps une rigueur négative mais forte, et qui ne prétendait pas se satisfaire avec du vent … Ils ((le pop-art) veulent exprimer le monde actuel… il s’agit d’un état passager.. La poésie, c’est le sentiment du réel, en ce qu’il a de permanent…  Ils ((les pop-artistes) me disent on vous aime bien. Mais ils sont dans leur temps, les affiches, le néon, la technologie… Moi, j’ai le sentiment d’être dans la vérité.. Ensuite, j’ai le sentiment que cela doit être dit… Je n’ai plus espoir, ni désespoir..Il n’y a rien à faire… ». La mention du mouvement Dada rappelle la nécessité de la critique des images, la nécessité de la « rigueur négative mais forte ». Pourtant Magritte, qui connut les peintres Dada, s’est détaché de ce mouvement seulement critique. Qui parlait de lui-même ainsi, par la bouche de son fondateur, Tristan Tzara : 

« Dada reste dans le cadre des faiblesses européennes, mais nous voulons dorénavant chier en couleurs diverses … Dada est la danse des impuissances de la création ». 

L’Art selon Magritte ne veut pas danser pour s’étourdir, pour oublier les « impuissances de la création ». Ni être « dans leur temps, (avec) les affiches, le néon.. ». 

Magritte est-il hors du temps ?

C’est à dire dans un autre monde. Il ne le semble pas, à lire ceci :

« Au lieu de s’étonner de l’existence superflue d’un autre monde, c’est notre seul monde où les coïncidences nous surprennent, qu’il ne faut pas perdre de vue ». Pourtant, « notre seul monde » paraît bien inconfortable : « L’existence du monde et la nôtre est un scandale pour la pensée, c’est quelque chose d’absolument incompréhensible ». En deux mots, nous vivons dans un monde qui nous incompréhensible. C’est pourquoi : « Tout dans la vie évoque le mystère ». Cela peut-il constituer un programme pictural ?

Magritte est-il peintre ?

« J’ai le sentiment de ne pas penser à la peinture comme un artiste peintre. Je ne suis ni en-deçà, ni au-delà de la pensée artistique : je crois être autre part » (Torczyner, p 220). « ils veulent révolutionner l’art… alors qu’il s’agit chez moi d’une rupture et non d’une volonté de progrès… d’une rupture avec l’habitude qui consiste à considérer l’art comme un but suffisant ». 

Que confirme ceci : « Ich male nicht um zu malen. so male ich, um eine Warheit aufzuzeigen, ich erfinde meine Bilder » ”, ce qui se traduit par : « Je ne peins pas pour peindre. Je peins donc, pour démontrer une vérité, j’invente mes tableaux ». 

Magritte, peintre d’icônes contemporaines

« Je peins l’au-delà, mort ou vivant. L’au-delà de mes idées, par des images… Je ne peins pas : j’utilise des objets qui ont l’apparence de tableaux.. J’aurais tout aussi bien pu m’exprimer par l’écriture, le chant, la médecine…La poésie n’est pas affaire de versification. C’est ce qui se trouve dans l’univers, en deçà de ce qu’il nous est permis d’observer ». Comme les artistes byzantins, il peint « l’au-delà » (c’est même le titre d’un tableau). Mais à la différence des iconographes orthodoxes, cet « au-delà » peut être « mort ou vivant ». En ce sens, Magritte est contemporain, car son au-delà est celui d’un agnostique : « Le mot Dieu n’a pas de sens pour moi, mais je le restitue au mystère, pas au néant ». 

Le monde selon Magritte

Qu’est-ce donc que cet « au-delà » étrange ? Magritte répond : « C’est ce qui se trouve dans l’univers, en deçà de ce qu’il nous est permis d’observer ». Cet « au-delà » étrange  n’est autre que ce qu’ailleurs il appelle : « notre seul monde », qui est incompréhensible. Qui ne se rencontre que lors de « coïncidences nous surprennent ». 

Magritte, un univers en apesanteur

 

‘Le Château des Pyrénées’

‘L’Avenir des statues’

« ..le tableau ‘La Présence d’esprit’ montre le ciel, la terre, un oiseau, un homme et un poisson, c’est à dire des aspects du monde…dont les âmes se préoccupent » (Torczyner, p 84). 

« J’assemble en un certain ordre qui évoque qui évoque l’existence… J’ai le sentiment de vivre dans le mystère… Tout dans la vie évoque le mystère » « Le spectateur peut voir, avec la plus grande liberté possible, mes images telles qu’elles sont, en essayant comme leur auteur de penser au Sens, c’est à dire à l’Impossible » la description visible (une image peinte) d’une pensée invisible (constituée par des figures visibles unies dans un certain ordre) est de l’impossible possible’  ou, en d’autres termes, de ‘l’invisible visible’”, « on dit volontiers que l’invisible est caché. C’est faux : il est ignoré. Le peintre ne le montre pas, ne l’explique pas, il l’évoque… L’invisible, c’est à dire ce que la lumière ne peut éclairer, n’a pas d’apparence que la peinture puisse montrer ».

”,« Il n’y a pas lieu d’accorder à l’invisible plus d’importance qu’au visible, ni l’inverse. Ce qui ne manque pas d’importance, c’est le mystère évoqué en fait par le visible et l’invisible, et qui peut être évoqué en droit par la pensée qui unit les ‘choses’ dans l’ordre qui évoque le mystère » (lettre à Foucault).

« le sens … s’accorde avec la certitude morale de notre appartenance au monde… L’apparition imprévisible d’une image poétique est célébrée par l’intelligence amie de la lumière énigmatique et merveilleuse qui vient du monde » “J’ai lu de belles choses, à savoir “Lorsque l’oeuvre est réellement absolue, divine, jamais rien de corporel ne s’y mêle, jamais” « l’art de la ressemblance… ce qu’il met en question n’est rien de moins que le mystère, qui n’a rien d’historique, de la vie et de la mort », (Torczyner, p 52)« Ce monde en désordre, plein de contradictions, qui est le nôtre, tient en somme plus ou moins d’aplomb à la faveur d’explications tour à tour très complexes et très ingénieuses qui semblent le justifier et le rendre acceptable pour la plupart des hommes « Je peins l’au-delà, mort ou vivant. L’au-delà de mes idées, par des images… Je ne peins pas : j’utilise des objets qui ont l’apparence de tableaux..« Ma conception de l’art de peindre consiste d’abord à peindre des tableaux ayant les caractères d’apparitions, en lesquels nous reconnaissons cependant des personnes, des objets, … Ces tableaux….. doivent révéler le mystère du présent et nous faire participer ainsi à la vie de l’esprit ! » « ils veulent révolutionner l’art… alors qu’il s’agit chez moi d’une rupture et non d’une volonté de progrès… d’une rupture avec l’habitude qui consiste à considérer l’art comme un but suffisant » “L’idée qu’un monde ‘merveilleux’ se manifeste dans le monde ‘habituel’, lorsque nous sommes frappés par des coïncidences, est à revoir. C’est bien le monde ‘habituel’ qui s’affirme par les coïncidences : elles nous assurent que nous le reconnaissons plus nettement. « Tout dans mes œuvres est issu du sentiment de certitude que nous appartenons, en fait, à un univers énigmatique. La certitude de cette appartenance est d’un ordre mystique, moral, entièrement étranger au domaine où les choses se prouvent, se découvrent et s’opposent. Cette appartenance devient une appartenance de droit lorsque l’esprit se débarrasse de la volonté maniaque de dominer ou d’utiliser les choses. Au lieu de donner un sens aux choses, l’esprit peut ‘voir’ le sens. Il est à remarquer que l’énigme n’est pas une sorte de secret… ne consiste pas en une ‘clef’ qu’un auteur obscur a soigneusement cachée afin de rendre son œuvre ‘mystérieuse’ ou fantasmatique. L’énigmatique dont je parle et qui peut être perçu par l’esprit est celui du Monde, de l’Univers, et non celui d’un auteur plus ou moins ésotérique »

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