Lettre à un ami : Messali Hadj, pionnier du nationalisme algérien

Par Mustapha GUENAOU

 

Fondateur du nationalisme algérien, Messali  Hadj est connu, selon plusieurs documents et sources, sous le prénom d’Ahmed. De son vrai prénom Hadji, il est issu d’une  vieille famille tlemcenienne kouloughlie.

« Selon l’état civil français, dit-il, je suis né  le 16 mai 1898 à Tlemcen, dans le département d’Oran, de Hadj Ahmed Messali et de Ftéma Sari Hadj-Eddine. Mon père et ses propres parents, des fellahs, sont nés eux aussi dans cette  ville. Ils exploitaient quatre hectares en commun avec la famille Mamchaoui . Comme cette petite propriété, située à Saf-saf, à quelques kilomètres de Tlemcen, ne suffisait pas à faire vivre deux familles qui ne cessaient de grandir, mon père s’est mis à travailler également chez les autres. »

Il habitait, avec sa  famille alors  constituée de six enfants dont quatre filles, une maison traditionnelle qui, selon ses mémoires, appartenait à sa grand-mère et se trouvait dans le quartier de Bab El Djiyad, au bas de la forteresse du Méchouar de Tlemcen.

A sept ans, le problème de la scolarité du jeune enfant s’est posé : fréquenter l’école arabe ou l’école française, donc l’école publique

A cet âge, il est inscrit à l’école publique, Descieux où il eut, successivement, des instituteurs musulmans : Si  Mohammed Bouayad et Si Mostefa Ben Aboura.

Pendant les vacances d’été, il était placé par ses parents, à titre de saisonnier, comme apprenti-  coiffeur  puis apprenti – cordonnier  et apprenti- babouchier

Il abandonna l’école pour une  vie active. A dix ans, il est aide-épicier à Eugène Etienne. Il habitait l’arrière-boutique. Puis, il est pris dans une fabrique de tabac à Tlemcen.

Il est à noter que sa vie sociale et culturelle et son parcours, politiquement effectué, se confondent  avec la prise de conscience nationaliste, depuis son jeune âge,  et de la constitution  et l’organisation du mouvement national en Algérie.

Pendant la première guerre mondiale, Messali Hadj commençait à lire la presse pour des groupes de personnes illettrées afin de leur relater les nouvelles de la guerre.

Il est issu d’une famille kouloughlie très modeste, ayant émigré au Maroc lors de l’entrée des Français à Tlemcen.  Le père étant tantôt employé tantôt  cultivateur, Messali Hadj, encore enfant, fréquenta  la zaouïa de la Chadouliya-Derqaouia dont son fondateur,  Cheikh Mohammed Benyelles, quitta, avec sa  famille et plusieurs autres  familles,  l’ancienne capitale zianide, pendant  la « Hidjra » de 1911.

« par des bruits colportés ici et là, on apprit que certaines  familles tlemceniennes se préparaient à s’expatrier au cas où le projet de service obligatoire serait maintenu. En peu de temps, l’idée de l’émigration fit son chemin et les premiers départs eurent lieu. L’émigration, El Hijra(l’Hégire), représente dans l’histoire de l’Islam un moment d’une extrême importance. Cette question de l’exil divisant pourtant les gens, elle donna lieu à une intervention du grand muphti Hadj Djelloul Chalabi à la grande mosquée de Tlemcen.
Le prêche de Hadj Djelloul Chalabi eut lieu un vendredi, lors de la grande prière. Ce jour-là, je me trouvais je ne sais pourquoi , à la place de la mairie. Tout près de grande mosquée. Il était environ onze heures du matin et, déjà, il y avait beaucoup de monde. Les fidèles se dirigeaient vers les deux grandes portes de la mosquée. J’ai commencé à les suivre, mais j’avais un peu  honte. Je pensais que, comme j’étais encore enfant, mal habillé et nu-pieds, on me refuserait l’entrée .Et tandis que les fidèles s’installaient, j’hésitais encore. Les idées se bousculaient dans ma tête. Jusqu’à ce que, finalement, prenant mon courage à deux mains, je pénétrais dans la mosquée. Je ne savais pas où me mettre, mais quelqu’un, me prenant par la main, m’intégra dans les rangs et je me trouvai assis au deuxième  rang, devant le mihrab, près d’une  grande colonne ; la tribune d’où le muphti devait prononcer son prêche était juste en face de moi. »

Au sein de la mosquée, il y a le respect et la considération des lieux.

« Alors, soudain, les fidèles qui priaient à haute  voix se sont tus. Un profond silence est tombé sur toute la mosquée. Trois coups ont annoncé l’apparition du muphti. Il précédait un fidèle qui devait lui tendre une canne pour monter les quelques marches au pied de la tribune. Il s’est assis et a attendu que le muezzin ait terminé l’appel à la prière. Puis, tout vêtu en blanc, il s’est levé majestueusement pour commencer  son prêche. Son discours, entrecoupé de silences, dura tout au plus un quart d’heure.
Je l’ai écouté avec une vive attention, mais, je l’avoue, sans rien comprendre, car il prononçait son prêche en arabe littéraire. Ensuite, il a dirigé la prière, puis les fidèles sont sortis. J’ai suivi ceux, nombreux, qui allaient  vers le centre de la  ville. Là, j’ai appris, grâce aux groupes qui s’étaient formés à la place de la mairie, que le muphti s’est prononcé à la mosquée contre le service militaire obligatoire, contraire aux principes islamiques. Les grandes personnes scandaient le mot « Harâm » tout en se dirigeant vers la sous-préfecture. On  y a rejoint beaucoup de monde, hommes, femmes et enfants. Les manifestants s’étaient rassemblés devant le bâtiment officiel, qui était fermé et gardé à l’intérieur. J’ai reconnu les gens de mon quartier, des adhérents de ma zaouïa et des membres de ma  famille. De temps à autre, la porte de la sous-préfecture s’ouvrait pour laisser quelqu’un entrer ou sortir. Des rumeurs circulaient. On parlait de l’annulation de la conscription. On disait aussi que les notables avaient été reçus par le sous-préfet pour l’entretenir de la nécessité de supprimer le service militaire puisque le grand muphti venait de le condamner. »

A la sortie de la mosquée, les fidèles organisèrent une manifestation à Tlemcen.

« Vers quatre heures de l’après-midi, la foule s’est faite encore plus dense. Des personnes allaient de- ça, de-là, déclarant à haute  voix à qui voulait l’entendre : -Oui, oui, c’est un grand  jour que nous vivons, c’est le  jour de la justice. Nous ne donnerons pas nos enfants. Nous sommes des musulmans et Dieu est avec nous. Celui qui croit en Dieu ne doit craindre personne.-
Les manifestants semblaient attendre  une décision des autorités françaises. Sinon celle de supprimer, du moins celle d’ajourner le projet sur le service militaire. On parlait aussi d’El Hidjra, en précisant que cela devrait s’imposait aux musulmans au cas où le gouvernement  français maintiendrait sa position. Comme la réponse attendue ne venait pas, les manifestants s’impatientaient. Certains d’entre eux laissaient libre cours à leur colère. On entendait dire : -il faut nous défendre, il faut préparer nos bâtons et nos haches-. Vers cinq heures, comme rien n’arrivait, la foule s’est pourtant dispersée. La manifestation, finalement, avait été symbolique et pacifique. Elle n’en avait pas moins eu une importance considérable tant du point de vue psychologique que patriotique.
Dans son prêche, le grand muphti de Tlemcen, m’a-t-on dit, avait affirmé très  clairement que les musulmans algériens avaient  non seulement le droit mais le devoir de s’expatrier vers les pays islamiques pour protester contre le service militaire. Lui-même fit partir ses deux  fils pour l’Orient, ce qui confirmait les soupçons évoqués par mon père lors de la veillée qui avait eu lieu peu de temps auparavant. On préparait les départs dans le secret, à l’insu des autorités coloniales. Certaines familles favorables à l’exode  se contentaient d’envoyer en Orient leurs  fils en âge de faire le service militaire. Les pauvres et ceux qui n’avaient pas réussi à obtenir les papiers nécessaires à un tel  voyage partaient pour le pays islamique le plus proche, le Maroc. »
Depuis le grand discours, historique pour tous les tlemceniens, l’exode des familles se poursuivait, même d’autres régions du territoire algérien. »

« (…) Tous ces  gens s’en allaient sans se soucier du lendemain et de l’avenir. Au fond d’eux-mêmes, ils pensaient qu’en pays islamique, ils trouveraient accueil, hospitalité et joie de vivre.
Les émigrants devaient  vendre, ou plutôt liquider à bas prix, tout ce qu’ils ne pouvaient pas emporter avec eux. Le petit marché aux puces d’El Khourda connut ainsi à l’époque une grande animation. On y voyait pêle-mêle des couvertures, des plateaux en cuivre, des petits pilons, des tables  basses, des cafetières, des chaussures, des gandouras, des babouches, des livres et  bien d’autres babioles.

(…) En effet, le nombre des émigrants augmentait de jour en jour. De temps à autre, une personnalité de notre cité, ou même une grande famille, quittait le pays d’une manière ostensible, comme pour encourager les hésitants. C’est ainsi qu’Hadj Mohammed Ben Yelles, chef de la confrérie des Derkaouas, annonça  son départ et celui de certains de ses disciples. Ce  geste eut un profond retentissement dans notre ville. Nos poètes et nos chanteurs ont évoqué cet exode avec sensibilité et nostalgie. Les chansons se terminent en général ainsi :- Oh Dieu, réunissez- nous tous au Cham (c’est-à-dire en Syrie).

Comme tous les enfants de travailleurs de la terre, dans le Hawz tlemcenien, il connut une enfance commune à tous les « indigènes » de son âge : il fit l’école coranique pour le respect et la considération de la tradition musulmane dont les principes élémentaires de l’Islam, puis l’école publique pour savoir lire et écrire en langue française. Il était très bien pris en charge puis qu’il fréquenta la zaouïa, alors fréquentée par les membres de sa famille, des adeptes de l’ordre des Darqaoua.

Après quelques années, il reprit le chemin de l’école, malgré son âge puisqu’il allait avoir ses quinze ans.

La première guerre mondiale éclata, pendant le mois de ramadhan, un mois sacré pour les musulmans. . Il était aidé  dans son instruction en langue française par le couple Couëtoux, et voulait faire de lui un mécanicien –dentiste. D’ailleurs, il commença  à apprendre le métier. En 1916, il passa l’examen du certificat d’études primaires, après avoir fourni beaucoup d’efforts à l’école primaire pour approfondir ses connaissances en français. Il échoua, donc, à son examen et quitta, définitivement, l’école. La même année, il commença à travailler dans une épicerie.

Il aurait vécu à Tlemcen jusqu’à 1918, l’année de ses vingt ans : « l’âge auquel, dit-il, j’ai commencé à voler de mes propres ailes. ». Il fut, donc, incorporé dans l’armée pour effectuer son service militaire. Lors de son transit à Oran, il rencontra, pour la première fois, Cheikh Abdelbaqi,  chef religieux de zaouïa , et ceci grâce à son frère et  son cousin. Puis, il part en France : envoyé pour effectuer son service militaire à Bordeaux. Touché par le manque de travail, il se retrouva, en Métropole, à la recherche d’un emploi.

En 1922, il perd sa mère, la seconde épouse de son père.

A l’âge de vingt huit ans, il devint un  orateur et une animation d’un mouvement politique qui allait faire de lui un leader. Il débuta par le syndicat avant de rejoindre ses aînés, premiers fondateurs de l’E.N.A.Puis, il devint secrétaire général puis président de cette formation politique.

A vingt neuf ans, il fit un discours qui le fit émerger sur la scène politique. D’ailleurs, il s’est montré très  confiant, malgré son premier discours devant un auditoire d’avertis et de politisés. Donc, il participa au Congrès anti- impérialiste, ayant eu lieu en 1927 à Bruxelles(Belgique). De grands leaders politiques l’ont écouté et prirent note du contenu, évoquant pour la première  fois, l’indépendance de  son pays natal.

Deux années plus  tard, la formation politique connut la dissolution, à quelques mois de la célébration du centenaire de l’occupation française en Algérie.

Pendant la célébration du centième anniversaire du colonialisme en Algérie, le mouvement  national, et plus particulièrement l’E.N.A., traversa  une période très difficile : les militants étaient privés de leurs rencontres habituelles. La clandestinité était réduite de peur d’arrestations policières des animateurs et militants dont le nombre avait dépassé, uniquement en Métropole, les deux milles cinq cents adhérents. Les activités étaient gelées par l’administration coloniale.

Tout juste après la dissolution de l’E.N.A., Messali Hadj, convaincu politiquement, écrit à la S.D.N., future O.N.U., pour  l’informer de l’abus d’autorité du Gouvernement Général. Le mémoire portait, essentiellement, sur les méfaits du colonialisme français en Algérie.

Pour  continuer ses activités, El Ouma, l’organe de l’E.N.A. fut diffusé et distribué par les « Amis d’El Ouma », une autre forme d’appellation du parti dissout.

Puis, le leader réétudia la  nouvelle formule pour animer son mouvement politique, déjà connu en Métropole et en Algérie. L’E.N.A. renaît, en 1933,  sous un autre  nom : la dite « Glorieuse Etoile » . Cette nouvelle formation politique eut pour  principes :

  • le socialisme
  • la démocratie.

A la même date, un programme politique fut voté par l’assemblée générale.

Affirmé dans ses actions d’ordre sociopolitique, Messali Hadj reprit le chemin des discours, des meetings et des rencontres dans divers espaces sociologiquement publics tels que les cafés  maures.

Son cheval de bataille était le principe de la défense et du combat dans les domaines suivants :

  • la réforme agraire (les paysans et fellahs).
  • l’unité de l’Afrique maghrébine (Maroc, Algérie et Tunisie).
  • le respect et  la pratique de l’Islam.
  • l’indépendance économique et politique de l’Algérie.

Par son programme politique, Messali Hadj s’affirme comme leader et dirigeant du mouvement national.

Ses activités deviennent, aux yeux de la police  française, un danger. D’ailleurs, depuis longtemps, il était suivi et poursuivi pour ses activités, alors considérées comme nuisibles à  la politique française en Algérie.

Son  parcours commençait à devenir intéressant puisqu’il était, intimement, lié aux activités similaires des nationalistes dont les communistes.

En 1934, il commençait à s’associer à d’autres mouvements dont la participation aux manifestations populaires et antifascistes que ses homologues, des leaders de mouvements anticolonialistes, organisaient. La première participation remonte au mois de février de la même année, à la suite des émeutes. Cette manifestation aurait été organisée par le prolétariat français.

Puis, il se livre, dans la même année, à la propagande anti militariste. Il est , à cet effet, arrêté et condamné à un séjour en prison : condamnation à six mois de prison ferme et une forte amende. D’autres militants connurent le même sort.

Les principaux dirigeants de la « Glorieuse Etoile » étaient condamnés et la formation politique fut , en effet, dissoute.

Puis, la « Glorieuse Etoile » renaît, quelques mois après, sous le nom de l’  « Union Nationale des Musulmans Nord-Africains » avec une particularité politique : Messali Hadj ,élu à l’unanimité, président. C’était une année après les émeutes de février 1934.

Pour ses activités politiques, le président est poursuivi en justice : il était traduit devant les tribunaux de Paris et d’Amiens.

La même année, en tant que leader politique de son mouvement, il organisa une campagne contre l’agression de l’Ethiopie par l’Italie ; et, sans hésitation, il adressa un mémoire dans ce sens à la S.D.N.

Devant cette menace d’emprisonnement, il choisit le chemin de l’exil. Convaincu pour des idées anticolonialistes, il s’installa, pour un séjour de six mois, à Genève, lieu de l’exil de Chakib Arslan. Dans cette ville suisse, il fit la connaissance de l’  « Emir El Bayan », ce syrien, directeur d’un  journal.

Le 7 juin 1936, a eu lieu la tenue du Congrès Musulman à Alger, avec la participation des forces politiques. Alors, le président de l’A.O.M.A. lança un Appel, publié dans la presse  nationaliste, « La Défense », en date du 3 janvier 1936.

« Le Congrès s’est tenu au moment où le Front Populaire s’installait à Paris. »

Ayant rassemblé  environ  quatre mille personnes, au Cinéma « Le Majestic » à Alger, ce Congrès avait adopté des  motions politiques.

N’ayant pas participé ni été représenté  au Congrès Musulman, Messali Hadj, en tant que président de l’ « Etoile Nord- Africaine » et directeur politique  du journal « El Ouma » présenta, quelques jours après la tenue du Congrès Musulman,un plan de revendications immédiates au Ministère de l’Intérieure de l’époque , alors composé de :

  • Revendications politiques
  • Revendications sociales
  • Réformes administratives

Le 14 juillet suivant, Messali Hadj, après son retour, participa au défilé  avec des mots d’ordre qui prônent : la liberté, la libération, la décolonisation, etc.

Le 2 aout 1936, il décida de rentrer à Alger où  il fit un discours historique  au stade municipal. Devant 20 000 personnes, il fit une entrée exceptionnelle et particulière puisqu’il fit un geste qui reste inoubliable pour les militants du mouvement national algérien.  D’ailleurs, il prit une  poignée de terre pour dire, ouvertement et sans peur ni crainte : « Cette terre nous appartient ; elle n’est pas à  vendre. »

Puis, il poursuit, avec ses proches collaborateurs, une  tournée à travers les villes d’Algérie dans le  but d’expliquer son programme politique.

D’année en année, le mouvement de Messali Hadj prenait de l’importance, sur le plan politique. Devant cette menace, le gouvernement fit dissoudre, par décret, au début de l’année 1937, la formation politique. Alors que Messali Hadj était en campagne.

A son retour, il réétudia  sa stratégie politique et fonda, à Nanterre(France),  un autre parti, en date du 11 mars 1937 : il s’agit du Parti du Peuple Algérien ou P.P.A . Messali Hadj est président-fondateur de ce parti, celui qui prendra plus d’ampleur que les précédentes formations politiques du mouvement  national  algérien, avec le maintien  des revendications et des lignes directrices du mouvement  messaliste : les principes de l’indépendance économique et politique de l’Algérie.

En  mars 1938, il perd son père, Hadj Ahmed Messali, ancien fellah devenu Moqqadem du mausolée de Sidi Abdelkader El Djilani.

En Août de la même année, il est arrêté à Alger avec des  cadres et des militants de son parti. Pour obtenir le régime politique, il entama, avec ses codétenus, une grève de la faim. Traduits devant les tribunaux d’Alger, ils étaient condamnés avec des militants, en date du 7 novembre de la même année  à une peine de prison pour les  motifs suivants :

  • La reconstitution de la ligue dissoute
  • La provocation  aux désordres publics.
  • L’atteinte à la souveraineté de l’Etat.

Encore en prison, Messali Hadj est élu, en octobre 1938, avec une majorité écrasante, conseiller général à Alger. Mais, la préfecture d’Alger avait annulé les élections.

« En Algérie et parmi la population, le seul mouvement nationaliste existant, le PPA, interdit en 1939 continuait  son activité sous l’égide d’anciens militants auxquels se joignirent des jeunes. Ce fut le départ de l’épopée clandestine du PPA. »

Le 30 janvier 1939, de nouvelles arrestations  eurent lieu avec un nouveau procès  :

« Les inculpés furent condamnés : dix d’entre eux à un an de prison et dix autres, à six mois et un seul, à une année avec bénéfice de sursis. Mais tous furent déchus de leurs droits civiques et politiques. »

A sa libération en Août 1939, le leader politique reprit ses activités ; mais quelques  jours plus tard, le P.P.A. est dissout et les organes du parti sont interdits : « El Ouma » et  « Le Parlement Algérien ».

« Tous ses (le P.P.A.) dirigeants étaient arrêtés et incarcérés ou recherchés à travers le pays et même en France ; Il fut demandé à Messali, comme homme politique et chef de parti, ainsi qu’aux autres hommes politiques musulmans, de signer et d’envoyer un télégramme de loyalisme au gouvernement français, pour  bien montrer au monde la solidarité de l’Algérie avec la France, dans ces heures difficiles.
Le colonel Schoëne, alors chef de service des Liaisons Nord-Africaines rendit visite à Messali, à la prison, pour faire pression sur lui et le décider à signer (un) télégramme. »

Puis, Messali, devant cette situation, refusa catégoriquement de signer le télégramme et il ajouta :

« Je signerai un télégramme d’amitié avec le peuple français, le jour où la France rendra la liberté à l’Algérie. A présent, je refuse et vous pouvez, si vous le voulez, me couper la tête et balayer la prison avec ma  barbe. »

En novembre de la même année, en tant que premier responsable, il est arrêté et condamné, avec d’autres militants,  à une peine de prison. Il fit donc, un séjour à la prison militaire d’Alger.

Le 17 mars 1941, Messali Hadj  est condamné, avec une quarantaine de militants, par le Gouvernement de  Vichy à une lourde peine :

  • une quinzaine d’années de travaux forces,
  • une vingtaine d’années   d’interdiction de séjour,
  • la perte des droits civiques,
  • la confiscation de tous les biens.

En avril 1943, quelques mois après  le débarquement des américains à Oran, une ville côtière de l’Afrique maghrébine, il est condamné, sans jugement des tribunaux,  à une astreinte à résidence surveillée à Boghari(en Algérie, au sud algérois) puis à Bouzaréah (Alger) , avec une promesse de liberté de circulation, dans les quelques mois qui allaient suivre. Il fut ramené de Brazzaville.

Au début de l’année suivante, la promesse était oubliée :il est transféré à Ksar Chellala.

A son arrivée, il était entendu par une commission qui prit  bonne note de ses intentions et son but : l’indépendance nationale de son pays natal pour laquelle il  combattait le colonialisme, depuis l’E.N.A.

«  Les partisans de la Fédération des Elus sur laquelle Ferhat Abbas exerçait son emprise suscitèrent, à la suite des contacts avec les autorités américaines et françaises une série de rencontres  avec des représentants du PPA, notamment Mohammed Lamine Debbaghine(,) principal responsable du parti. »

A la suite de ces rencontres et des réunions, un document  historique, connus sous le  nom de  « Manifeste du Peuple Algérien », fut adopté, en date du  10 février 1943, et remis par Ferhat Abbas, au Gouverneur Général. Puis, à la demande du Gouvernement Général, après étude du document politique remis par Ferhat Abbas, un second document politique, appelé « Additif au Manifeste », fut élaboré , le 26 mai suivant, et remis à qui de droit, au niveau du G.G.A.(Gouvernement Général en Algérie).

Le père de ce Manifeste fut entendu, le 3 janvier 1944,  par la Commission des Réformes et Messali Hadj, douze jours plus tard.

«  Le Manifeste fut accueilli avec enthousiasme par la population par la population.  Avec encouragements et la participation active des responsables et des militants du PPA, un mouvement politique de masse  fut constitué à travers le territoire national et rassembla entre 500.000 et 600.000 membres. »

La même année, le parti clandestin, le P.P.A., adhéra à ce mouvement du nom des « Amis du Manifeste et de la Liberté », alors fondé et présidé par Ferhat Abbas, un intellectuel politisé et pharmacien de profession.

Ainsi constitué, ce mouvement a pour but :

  • la connaissance et  la défense, devant l’opinion publique algérienne et française du « Manifeste du Peuple Algérien » du 10 février 1943.
  • la réclamation de la liberté de parole et d’expression pour tous les algériens.
  • le combat, par la parole et l’écrit, du concept colonial, de toutes les formes de violence, les agressions   impérialistes dans les deux continents  (Afrique et Asie), voire l’emploi de la force contre les peuples opprimés.
  • la participation à la naissance d’un monde, caractérisé par le respect de l’être humain.
  • la facilité et la hâte  de l’avènement d’une humanité  nouvelle.
  • la liberté égale entre les peuples.
  • l’union fraternelle dans un monde pacifié.

Grâce aux militants du M.T.L.D. , l’  « Association des Elèves Musulmans des Lycées et Collèges d’Algérie » fiut créée , à Alger.

«  Le 7 mars 1944, le général De Gaulle (signa) une ordonnance relative au statut des Français musulmans d’Algérie, qui (reprit) dans son esprit le projet Blum-Violette de 1936. »

Il faut  noter que le M.T.L.D. diffusa une publication politique, intitulée « Mouvement national algérien », ayant pour  but des éclaircissements  sur « les principes directeurs de lutte  et de  la  vie du mouvement national depuis le 8 mai 1945. Deux  communications, basées sur des témoignages, rappellent l’histoire du M.T.L.D. et sens du mouvement national et du messalisme  en Algérie.

« Une rencontre, en 1945, entre le parti de l’Istiqlal marocain, le Destour tunisien et le PPA clandestin, a abouti à un accord en vue d’ une action commune entre les trois partis ».

Après les massacres de Guelma, Setif et Kharrata , Messali Hadj, pour la poursuite de son combat, créa son nouveau parti, avec une étiquette de mouvement : le M.T.L.D. (Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques).

A la suite de ces massacres, nombreux sont les militants messalistes qui étaient arrêtés par l’administration coloniale. A cet effet, le C.S.V.R. (le Comité de  Soutien des Victimes de la Répression) est créé pour :

  • aider et soutenir les victimes de la répression et leurs familles.
  • défendre leurs droits devant les tribunaux.

Cet organisme fut mis sur pied par des militants et organisé comme suit :

  • Le président : maître Abdelkader Ougouag.
  • Le Secrétaire Général : Sâad Dahlab
  • Le Secrétaire Général-Adjoint : Amar Bentoumi
  • Le Trésorier : Abdelkader Hadjali
  • Le Trésorier –Adjoint :Aïssa El-Abdelli
  • le membre permanent : Sid Ali Addab .

Parallèlement, une aile paramilitaire fut, avec  le consentement de Messali Hadj, fondée, lors du congrès de 1947, pour des actions armées de destruction et de renflouement des caisses du parti : l’attaque de la poste d’Oran et autres actions militantes. Il s’agit de l’O.S.(Organisation Spéciale).Alors, cette aile paramilitaire avait organisé, clandestinement, des réunions à Zeddine et à Blida.

Le « Comité de  Libération du Maghreb  Arabe » est formé, au Caire (Egypte), par l’Emir Abdelkrim El Khettabi, leader de la guerre du Riff (Maroc), sur le conseil de son frère, l’Emir Mohammed, un autre anticolonialiste.

Le « Manifeste d’Abdelkrim » fut  ratifié, le 5 janvier 1948, par sept partis de l’Afrique maghrébine dont le PPA.

A l’occasion du treizième anniversaire de la création du P.P.A., un tract fut distribué par les militants du M.T.L.D..

En avril 1950, la presse  colonialiste parlait de « la découverte du complot » , après les nombreuses interpellations et perquisitions dans les milieux des militants du M.T.L.DCes arrestations  étaient importantes en nombre :

  • Une centaine  d’arrestations (dans le Constantinois)
  • Une cinquantaine d’arrestations (dans l’Algérois)
  • Une  cinquantaine   d’arrestations (dans l’Oranie)
  • Une dizaine d’arrestations (à Khemis Meliana , ex Affreville, et sa région)
  • Une dizaine d’arrestations (à Médéa et sa région)
  • Une  sixaine d’arrestations (à Blida et sa région)

En septembre 1950, un important document politique  fut présenté, par le M.T.L.D., à tous les représentants des gouvernements, membres des Nations Unies .

En 1951, il effectua, comme tous les musulmans, un pèlerinage aux Lieux Saints de l’Islam. Il aurait rencontré l’Emir Abdelkrim El Khattabi, leader de la guerre du Riff marocain contre l’occupation et le colonialisme espagnols. Les points discutés portaient, essentiellement, sur  les préparatifs d’une guerre insurrectionnelle en Algérie. Alors, cette année est connue pour les nombreux procès des militants du M.T.L.D. et de l’O.S. D’ailleurs, les verdicts  sont rendus :

  • pour les militants de l’Oranie, le 11 mars 1951
  • pour les militants d’Annaba, ex Bône. Le procès est connu, pour les historiens,  sous le nom de « Procès des 121 ».
  • pour les militants de Bejaïa, ex Bougie, le 15 février 1951. Le procès porte le nom de « Procès des 27 »
  • pour les militants de Blida. Le procès est connu sous le nom du « Procès des 56 ».

Huit télégrammes, signés par des organisations égyptiennes et des personnalités maghrébines, furent adressés au Tribunal de cette ville, en signe de motions de soutien, en plus des  témoignages de personnalités démocratiques françaises.

La même année,   l’union  fut une des plus importantes préoccupations du parti, le PPA-MTLD.

« L’expérience des –Amis du Manifeste et de la Liberté- et la formation de l’UDMA, après les massacres de mai 1945, rendaient illusoire, toute concrétisation de l’union sur des bases sérieuses. »

Le 25 juillet de la même année, le «Communiqué du comité d’initiative pour la formation d’un Front algérien pour la défense et le respect de la liberté » est  publié.

Le 5 août suivant, une résolution fut adoptée par l’assemblée générale de constitution du F.A.D.R.L.  et  approuvée par Messali Hadj .Une autre déclaration du M.T.L.D. date du 1er octobre de la même année.Celle-ci fut accompagnée de précisions , datées du 1er novembre 1952.

Le 2 février 1952,  les partis nationalistes de l’Afrique Maghrébine se sont rencontrés, à Paris, pour la constitution du « Front d’Union et d’Action » .

La même année, fut créée l’ « Union Musulmane des Etudiants Maghrébins » et le parti . publia, à l’occasion du deuxième anniversaire du mémoire du M.T.L.D., une déclaration au peuple algérien.

Par ailleurs, Messali Hadj est destinataire, pour ses activités nationalistes, d’un arrêté du Gouvernement Général relatif à son interdiction de séjour en Algérie. A la suite de cette décision gouvernementale, il est transféré directement à Niort où de nombreux militants lui rendaient visite. Donc, assigné à une autre résidence surveillée, il poursuivit ses activités politiques et son combat.

En Avril 1953, le deuxième Congrès national du M.T.L.D. eut lieu à Alger, sans la présence de Messali, se trouvant en France. Mais, il avait donné son aval aux dirigeants du M.T.L.D. d’Alger. Le rapport général du comité central du M.T.L.D. fut établi.

Le M.T.L.D. décida, conformément aux  décisions du deuxième Congrès et du comité central, de participer  aux élections municipales du 26  du mois en cours.

Des militants du M.T.L.D. furent élus. La lutte contre la répression du mouvement national se poursuivit.

Le 14 juillet, le M.T.L.D. participa  à la manifestation de Paris. La répression policière fit  un lourd bilan : six morts et une centaine de blessés parmi les émigrés algériens.

Le 29 octobre suivant, quatre dirigeants furent poursuivis pour leurs articles, parus dans « L’Algérie Libre » alors considérés par l’administration coloniale comme preuve d’atteinte à la sûreté de l’Etat.

Le verdict  qui fut prononcé par la Cour d’Appel d’Alger est comme suit :

  • Hocine Lahouel : quatre  mois de prison ferme et une amende de 100.000 frs.
  • Abderrahmane Kiouane : une amende de 100.000 frs
  • Ahmed Mezerna : même peine que Hocine Lahouel
  • Moulay Merbah : même peine que Hocine Lahouel et Ahmed Mezerrna.

Le 10 décembre suivant,  un Appel  du comité central du M.T.L.D. fut signé par trois dirigeants du parti et  lancé pour un congrès national algérien. Puis, le projet du programme d’action fut proposé et diffusé par la direction du M.T.L.D.

La même année, une scission s’est effectuée au sein du Comité Central : le mouvement se divisa en messalistes, des fidèles  au leader politique et les centralistes, les activistes. De Niort, il  voulait résoudre les problèmes, sources  d’opposition entre ses militants aux centralistes.

Convaincus, les partisans de l’action révolutionnaire immédiate quittèrent le mouvement, donc le M.T.LD. En collaboration avec les anciens membres de l’O.S., ils insistèrent sur une forme, plus rapide, de la préparation  révolutionnaire et insurrectionnelle. De nombreux militants du M.T.L.D. furent arrêtés par la police française dans l’opération de démantèlement de l’O.S. Plusieurs tracts furent diffusés et distribués.

Le P.P.A.- M.T.L.D. connut une crise politique, alors que le mouvement avait plus d’un quart du siècle d’expérience .

En 1954,  une grande campagne fut appuyée par des réunions publiques et des articles de presse, animés par des dirigeants du M.T.L.D. en Algérie et en Métropole .

Les   messalistes, réunis en un Congrès extraordinaire à Hornu(en Belgique), ont élu Messali Hadj , président à vie du M.T.L.D., avec quelques recommandations dont l’exclusion des cadres du M.T.L.D., responsables de la scission du mouvement, communément appelés centralistes.

Le 11 mars 1954, Messali Hadj, en résidence surveillée et forcée à Niort,  s’adressa aux militants et sympathisants du M.T.L.D. en France.

La branche des activistes, ou plutôt des centralistes, créa le C.R.U.A.(le Comité Révolutionnaire pour l’ Union et l’ Action), le premier noyau du F.L.N. , le Front de Libération National et de l’A.L.N. (l’Armée de Libération Nationale). Si le F.L.N est politique , l’A.L.N. est militaire.

Le  5 novembre 1954, le M.T.L.D et plusieurs associations furent dissouts par l’administration coloniale.

Toutes les tendances politiques en Algérie et en Métropole ont rejoint le F.L.N. à l’exception des militants, restés fidèles à Messali Hadj. Une lettre ouverte fut  envoyée à .M. François Mittérand, alors ministre de l’Intérieur .

Ne pouvant partager ses objectifs avec les activistes et anciens militants  de son mouvement, Messali Hadj, puisant dans les anciennes cellules où  quelques éléments  lui sont restés fidèles,  réorganisa son mouvement pour le rebaptiser M.N.A. (Mouvement National Algérien), un mois après le déclenchement de la guerre de la libération nationale à travers tout le territoire algérien.

Ayant été destinataire de plusieurs accusations, Messali Hadj, malgré son riche parcours nationaliste et de militant anticolonialiste,  se retrouva écarté et marginalisé par les pays qui ont reconnu le F.L.N. à sa formation. Devant cette situation, il perdait, progressivement, le terrain. Cette perte fut soldée par des divergences dans la politique et dans la stratégie militaire : une lutte fratricide entre F.L.N. et M.N.A. et la formation de deux maquis.

Les moyens de l’action socio politiquement collective du messalisme : Les organes des formations politiques messalistes

Durant la période coloniale, et plus particulièrement la première moitié du XX ième    siècle, l’Algérie connut plusieurs catégories de presse dont la presse  nationaliste.

La presse nationaliste, lancée par le mouvement national algérien  messaliste, fut, pour tous les historiens et sociologues, des organes des partis, dirigés par Messali Hadj. En plus du « Bulletin Intérieur d’Information », le mouvement  nationaliste messaliste utilisa la presse comme  moyens de vulgarisation et de diffusion, voire de propagande politique :

1            El Ouma

Journal de l’Etoile Nord Africaine et Organe de défense des intérêts des musulmans algériens, marocains et tunisiens, « El Ouma » fut lancé, en octobre 1930, et dirigé Hadj Ali Abdelkader. Messali Hadj fut l’un de ses principaux animateurs

2         El Ouma

Hebdomadaire  mozabite est, publié en langue arabe, de tendance nationaliste et favorable à plusieurs mouvements dont l’ENA et plus  tard, le PPA. Lancé en 1933, il fut dirigé par Abou Al Yaqdhan.

3-      Ech -Châab

Organe du PPA, en langue arabe, il fut lancé, en août 1937, et dirigé par Messali Hadj.

4-      Le Parlement Algérien

Hebdomadaire du PPA, il fut lancé, en mai 1939.

5-    L’Action Algérienne

Journal clandestin, lancé par le PPA, en 1944.

6-    La Nation Algérienne

Organe clandestin de la libération  nationale, le journal « La Nation Algérienne » fut lancé, par le PPA-MTLD, en 1946.

7-    L’Emigré

Organe de combat des Algériens de France pour la libération de l’Afrique du Nord, il fut  lancé, en 1948.

8-  L’Algérie Libre 

Organe nationaliste, il fut lancé, par le MTLD, en 1948.

 

par Mustapha GUENAOU, Oran, le 04 juin 2020

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